L’EUROPE ENTRE DEUX EAUX, par François Leclerc

Billet invité.

Une paralysie pendant de longs mois du gouvernement allemand n’étant pas concevable, vu ses implications, une solution de fortune impliquant le retour du SPD dans le jeu a été activée dans l’urgence, seule issue permettant d’éviter de nouvelles élections aux résultats aléatoires.

De tous bords et horizons, les pressions sur la direction du SPD se sont multipliées afin qu’elle revienne sur sa décision de suivre une cure d’opposition. Finalement, le président Frank-Walter Steinmeier, un social-démocrate, a obtenu que Martin Schulz reconsidère sa position et accepte une rencontre avec la CDU/CSU la semaine prochaine, non sans avoir tenu préalablement une longue réunion avec les cadres de son parti. La formule retenue est floue, puisqu’il est pour l’instant question d’explorer les modalités selon lesquelles le SPD et la CDU-CSU pourraient être « associés », ce qui ne tranche pas entre la formation d’une grande coalition et le soutien à un gouvernement minoritaire.

Martin Schulz a également annoncé que si un accord intervenait, quel qu’il soit, il serait soumis au vote des militants, ceux-ci n’étant pas favorables à la reconduction de la grande coalition aux dernières nouvelles. Le congrès du SPD, qui se tiendra du 7 au 9 décembre, en sera-t-il l’occasion ? Quoi qu’il en soit, le SPD sera en mesure de monnayer au prix fort un éventuel accord avec Angela Merkel, et les sujets ne manquent pas, notamment sociaux sur lesquels le parti a fait toute sa campagne électorale. Rien n’est réglé, tout reste à faire.

Le prochain sommet européen des 14 et 15 décembre risque de se tenir dans un contexte fait de nombreuses incertitudes, peu propice à ce que soient prises de grandes décisions sur l’avenir de l’Europe. Même si Emmanuel Macron peut espérer avoir évité le pire, mais pas plus. En Allemagne, le FDP et l’AfD vont monter la garde avec des relais au sein de la CDU si une grande coalition au poids diminué renait de ses cendres.

La sortie de la crise ne sera qu’engagée en Espagne, une semaine avant la tenue des élections en Catalogne, et l’Italie s’approchera d’élections aux résultats imprévisibles. L’instabilité est décidément devenue une des fortes caractéristiques de la vie politique européenne.

En Catalogne, une nouvelle donne est distribuée. Carles Puigdemont annonce désormais depuis Bruxelles privilégier la négociation avec Madrid et renoncer à toute proclamation unilatérale de l’indépendance. « Le processus de construction de la République a commencé. Nous voulons qu’il fasse l’objet d’une négociation », déclare Roger Torrent, un porte-parole d’ERC, la formation indépendantiste de gauche. Dans l’attente des élections du 21 décembre prochain, les indépendantistes et les unionistes continuent d’être au coude à coude, selon les sondages. Et sommé de préciser quelle sera son attitude au lendemain des élections si les premiers l’emportent, Mariano Rajoy a répondu « je resterai le président de tous et je parlerai avec tout le monde mais, de la même manière, j’exigerai de tous qu’ils respectent le cadre de la Constitution et de la loi ». Enfin, la Cour suprême va récupérer toutes les enquêtes en cours sur les indépendantistes, y compris sur ceux qui restent en détention préventive, ce qui a été interprété comme un signe d’apaisement pouvant annoncer leur libération sous caution et permettre à tous de participer à la campagne électorale où ils se présentent. Mais, celle-ci passée, l’évolution du statut de la Catalogne est une question qui pourra difficilement être éludée.

Le panorama est passablement confus en Italie, où la modification de la loi électorale ne semble pas avoir les effets recherchés, le Mouvement des 5 étoiles restant dans la course des élections du printemps prochain. Matteo Renzi, à la recherche d’alliés et d’un second souffle pour le centre gauche, reste dans les sondages bon dernier, la coalition regroupant Forza Italia, la Ligue du Nord et Fratelli d’Italia, ces deux derniers d’extrême-droite, pouvant le devancer. Mais le Parlement italien pourrait se trouver divisé en trois forces presque égales, aboutissant à une impasse politique.